Ces thérapies brèves sont appelées exactement « problem solving brief therapies » :
elles reposent sur un modèle simple mais exigeant de définition du problème et d’identification des solutions inopérantes (ces solutions qui deviennent le problème) pour aller vers une résolution…
Historique :
La thérapie brève et la thérapie stratégique familiale (systémique) font référence à des modèles de thérapies développées depuis les années 60 au Mental Research Institute (MRI) de Palo Alto. Ces modèles sont liés aux noms de Richard Fisch, John Weakland, Jay Haley, Paul Watzlawick, Eileen Bobrow dont le travail a influencé durablement le monde des thérapies mais aussi de la communication.
Leurs recherches ont essentiellement consisté en l’adaptation de la démarche systémique au domaine des relations humaines. Cette approche a généré de nouveaux points de vue et outils, autant dans le domaine de la communication que dans celui de la méthodologie du changement et du processus thérapeutique.
- Bateson installé à Palo Alto, anthropologue de formation, découvre la systémique et la cybernétique. Il décide alors d’adapter ces démarches scientifiques aux sciences sociales.
Principe :
Ces thérapies stratégiques familiales (systémiques) ou « strategic family therapies » impliquent une intervention directe des thérapeutes influençant les participants pour résoudre le problème
Comme l’écrit Paul Watzlawick, l’approche stratégique et systémique est « une école de pensée qui étudie « comment » les êtres humains se rapportent à la réalité, ou, mieux, comment chacun de nous entre en relation avec soi-même, avec les autres et avec le monde ».
On ne pense plus l’être humain en tant qu’entité séparée de ce qui l’entoure. On considère l’individu en interaction, c’est à dire, en relation avec son environnement, à travers des rapports réciproques, des actions et rétroactions où chaque comportement vient répondre à un autre pour à son tour en générer de nouveaux dans une communication toujours en mouvement. Cette cybernétique est à observer dans un contexte donné.
Eléments et présupposés :
- Réalités : le sujet construit « sa réalité » et réagit en fonction de cette lecture personnelle. L’école de Palo alto, pionnière de l’approche stratégique définit deux niveaux de réalité
- Réalité de premier ordre : il s’agit de la réalité que nous percevons à travers nos sens.
- Réalité de deuxième ordre : il s’agit de la signification que nous attribuons à ces perceptions.
Le processus thérapeutique va se pencher sur la réalité de deuxième ordre, c’est-à-dire le modèle du monde que la personne a mis en place. De cette représentation dépendront les comportements, émotions, sensations…
Tout comportement, adapté ou non au bien-être est alors « le produit d’une relation active entre nous-mêmes et ce que nous vivons ». Toute personne vivant des difficultés souffre de sa relation au monde. Le centre de l’attention est alors l’individu en interaction. Une intervention est alors nécessairement systémique.
- On ne peut pas ne pas communiquer : ce présuposé est là pour exprimer qu’il est impossible d’adopter un comportement qui n’envoie pas d’information, de manière consciente ou inconsciente. Comme l’écrit P. Watzlawick, « il n’y a pas de « non-comportement » ». Même le mutisme ou l’immobilisme constituent un message. Quand des individus sont en interaction, une communication se construit nécessairement entre eux.
- Communication et positions : le modèle de l’école de Palo Alto définit la communication comme un rapport entre des comportements contrastés qui s’ajustent les uns en fonction des autres pour obtenir un équilibre (homéostasie).
« On peut toujours apprendre ce qu’on ne sait pas, non ce qu’on croit savoir. » (Gustave Thibon)
- Symétrie et complémentarité : dans une situation de communication, différents systèmes d’interaction peuvent s’établir, décrits pour la première fois par Bateson :
- Modèle symétrique : la relation est égalitaire (rapport en miroir), comme dans le cas d’un couple d’amoureux ou de deux spécialistes d’un domaine donné. Il y a collaboration, ou alors, versant négatif, « bras de fer ». Les différences sont minimisées au possible, l’effort est placé sur le fait de rester à égalité.
- Modèle complémentaire : la relation comporte une position basse et une position haute qui se complètent et s’auto-alimentent. Les deux personnes se complètent, s’installent dans des comportements en polarité. Les différences sont maximisées, l’effort est placé sur le fait de rester différent. Il peut s’agir par exemple de dyades « autoritaire-soummis », « exhibitioniste-voyeur », « protecteur-fragile » etc…
- Complémentarité et positions : le type d’interaction complémentaire peut se définir par deux positions bien distinctes : position basse et position haute.
- La position haute est une situation d’autorité : elle détient le savoir et dirige l’interaction en étant active. C’est par exemple celle du médecin qu’on va voir pour être soigné.
- La position basse est à l’opposé la situation d’infériorité : elle ne connaît pas les solutions et subit l’interaction en étant passive. C’est par exemple la position du malade qui s’en remet à la science.
- Des solutions qui deviennent des problèmes : le sujet met au point des relations de cause à effet, élabore différentes stratégies pour se sortir du problème qu’il est en train de vivre. Il est capital ici de considérer et prendre conscience que les solutions mises en place constitue la majorité du problème que la personne est en train de vivre. L’exemple du trouble obsessionnel compulsif peut être ici pertinent : la personne met en place des rituels qui, d’abord mis en place pour se rassurer deviennent l’élément central du problème.
- La première gestation est de l’ordre du jugement : la personne vit une situation relativement courante (elle a par exemple chaud alors qu’elle se trouve dans un supermarché). Elle (ou son entourage) décide à un moment qu’il s’agit d’un problème. Cette étape est importante, car par définition, c’est en décidant que quelque chose est un problème que ça en devient un (de nombreuses personnes, à un moment ou à un autre de leur vie ont eu chaud dans un supermarché sans décider qu’il s’agissait d’un problème).
- La deuxième gestation est de l’ordre de la prise de décision : à partir du moment où on a déterminé qu’on avait un problème, il est tout à fait légitime de vouloir mettre en place des solutions. Le trouble va ici se révéler lorsque les solutions mises en place complexifient le problème (par exemple se précipiter vers la sortie, ce qui donne encore plus chaud etc…). Les solutions au problème deviennent elles-mêmes un problème voire le problème lui-même (ici l’évitement, phénomène central de la phobie).
On voit ici que l’intention est bonne, mais qu’il y a un brouillage des intentions et effets obtenus : la tentative de solution fait partie du problème.